dégustation de vin

Article mis à jour le 10 juin 2025

🍷 Savoir déguster : l’art… et la mémoire

On vante souvent la dégustation comme un art. Pourtant, lorsque l’on gratte le vernis romantique, on découvre un terrain beaucoup plus concret : la mémoire sensorielle. Les plus grands dégustateurs — journalistes, sommeliers, œnophiles avertis — partagent tous le même muscle invisible : un esprit capable d’encoder, de classer et de rappeler des milliers d’empreintes aromatiques. Autrement dit, la dégustation n’est pas un don tombé du ciel ; c’est un exercice d’entraînement et d’humilité.
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Lorsque vous voyez un professionnel retrouver quasi « magiquement » l’identité d’un vin à l’aveugle, gardez en tête le mécanisme : il fouille dans ses souvenirs olfactifs et gustatifs, puis déduit, élimine, recoupe. Il n’invoque pas un génie intérieur ; il déclenche simplement une recherche de correspondances dans sa banque de données personnelle. Et cette banque se bâtit verre après verre, note après note.

Leçon n°1 : plus vous dégustez, plus vous enrichissez votre langage interne, plus votre opinion gagne en nuances — et plus votre façon de communiquer le vin devient vivante.

🎯 Au-delà de l’identification : analyser pour agir

Retrouver un millésime à l’aveugle peut impressionner, mais la vraie valeur se situe ailleurs : savoir quoi faire d’un vin. Peut-il vieillir ? Quel plat magnifiera-t-il ? Faut-il le carafer ? C’est dans ces réponses pratiques que le dégustateur devient utile au consommateur… et au vigneron. Pour nous, professionnels de la communication du vin, la mission consiste alors à formuler ces réponses en mots limpides, afin que le public comprenne — et désire — l’expérience qui l’attend.


🖐️ Utiliser (presque) tous ses sens

Vous disposez de cinq canaux sensoriels, mais seuls trois sont réellement déterminants pour profiler un vin :

  • La vue
  • L’odorat
  • Le goût
  • Le toucher (au verre) → marginal pour la qualité intrinsèque
  • La ouïe → purement hédoniste (le « pop » d’un bouchon)

L’ouïe charme : le chuchotement d’un mousseux, le glou-glou dans la carafe. Le toucher — sensation de chaud/froid du verre, perles de CO2 — fournit des indices secondaires. Mais vue, nez, bouche constituent le triptyque décisionnaire. Ce sont eux qui guideront l’analyse, puis la narration.

Leçon n°2 : dans votre storytelling, concentrez-vous sur les trois sens pertinents. Trop d’informations périphériques diluent la clarté de votre message.

👁️ Étape 1 : Observer

dégustation du vin, observerAvant même de humer, regardez :

  1. Couleur → catégorie, âge probable, style (robe violine juvénile ou tuilée évoluée).
  2. Brillance → indice de vitalité : un disque cristallin promet de la fraîcheur en bouche.
  3. Limpidité → dépôt noble ? vin non filtré ? Soyez pédagogue : expliquez que la turbidité modérée peut signifier authenticité.
  4. Viscosité → “larmes” indiquant alcool, sucrosité ou concentration. Mentionnez, mais ne sur-interprétez pas : ce n’est qu’un indice de texture.

👃 Étape 2 : Sentir

Premier nez : intensité brute.
Deuxième nez : complexité après aération.
Comparer les deux vous renseigne sur la phase de vie du vin : ascension, apogée, déclin. Ici, le vocabulaire aromatique devient votre palette : fruits rouges frais, rose fanée, goudron, pierre à fusil… Plus vos mots sont précis, plus votre audience ressent ce que vous ressentez.

Voir également:  Découvrir le verre INAO

👄 Étape 3 : Goûter

En bouche, hiérarchisez :

  • Attaque (impact initial)
  • Milieu : équilibre sucres / acide / alcool / tanins
  • Finale : longueur (mesurée en caudalies), persistance aromatique

Terminez par un verdict « utilisable » : temps de garde, température de service, accord mets-vins. C’est cette utilité qui fera vibrer votre lecteur ou votre client.


💬 Ce que la dégustation enseigne à la communication

  • Clarté : un nez décrit en trois images fortes marque plus qu’une liste de douze adjectifs vagues.
  • Émotion : associez chaque note (fruit noir, violette, cuir) à un souvenir ou un paysage pour déclencher l’empathie.
  • Humilité : rappelez qu’aucun verdict n’est absolu. Invitez à la discussion, pas à la sentence.

La dégustation exige de la mémoire ; la communication exige de la mémoire rendue vivante. En liant ces deux disciplines, vous transformez un liquide en histoire, et chaque histoire en envie de partager le prochain verre.

👁️ Savoir observer le vin

observer le vinAvant même de humer, le vin se dévoile comme une carte postale : nuances, éclat, transparence, texture. Quatre paramètres guident l’œil :

1. Couleur : la ligne du temps

  • Rouges : pourpre → violine → rubis → grenat → tuilé → brun.
  • Blancs : paille → or clair → or soutenu → miel → ambre.
  • Rosés : pétale de rose → litchi → saumon → peau d’oignon → cuivre.

Chaque teinte signale l’âge et parfois le style (extraction douce vs macération longue). Dites-le : « Rubis tirant sur le grenat » évoque déjà une demi-évolution.

2. Brillance : l’indice de vitalité

Un disque cristallin assure une acidité vive, donc un vin « debout ». Avec l’âge, l’éclat se voile : la robe devient mate, annonce d’une structure fondue. Mentionner la brillance prépare l’attente gustative.

3. Limpidité : authenticité ou défaillance ?

Limpide : jeunesse ou vin filtré.
Voilé / dépôt : évolution naturelle, vin non filtré — à rassurer (« dépôt noble », « voltigeurs »).
Opaque : densité colorante (Syrah jeune, Malbec, etc.), pas forcément défaut.

4. Viscosité (larmes) : la texture annoncée

En faisant tourner le verre, observez la descente des larmes. Elles reflètent :

  • Alcool – plus c’est riche, plus c’est gras.
  • Sucres résiduels – liquoreux = sirop, larmes épaisses.
  • Concentration – faibles rendements → jus ample.

Les larmes informent sur la matière, pas sur la qualité. Signalez-le (« larmes serrées » = bouche potentiellement généreuse).

Astuce communication : transformez ces observations en promesses : « Brillant comme le soleil aixois », « Délicieuse viscosité rappelant l’huile d’olive de la vallée voisine ». Vous reliez ainsi visuel, terroir et émotion.

👃 Savoir sentir le vin : quand l’arôme devient discours

Le nez est le centre de gravité d’une dégustation : 80 % des informations perçues sur un vin sont olfactives. Mieux vous nommez ces informations, plus votre auditoire — client, lecteur, follower — ressentira le vin sans même y goûter. On distingue deux temps :

Voir également:  Organisation d'une dégustation de vin

1. Premier nez : le signal brut

  • On approche le verre immobile. 👉 Intensité : discret, franc, intense, exubérant ?
  • On note les arômes dominants (fruits rouges frais, rose fanée, humus…).

2. Deuxième nez : la révélation aérienne

On fait tournoyer le vin, on oxygène et l’on compare l’intensité au premier nez :

  • + puissant : le vin « monte » ; potentiel de garde, possible carafe.
  • ≈ identique : apogée ; boire maintenant, simple aération.
  • – puissant : phase descendante ; servir sans carafe, profiter vite.

Astuce communication : ce diagnostic donne un angle narratif : « Encore timide, il s’ouvrira sur la table de Noël ». Vous transformez un constat technique en promesse émotionnelle.


🧠 L’arôme, exercice de mémoire

Chaque odeur stockée (rose, silex, résine) devient une entrée dans votre bibliothèque olfactive. Entretenez-la comme un sportif : sentir des herbes, des épices, des fruits au quotidien. Un vin contenant 4 – 5 arômes reste simple ; plus de 10, il devient complexe. Votre rôle est de sélectionner trois images fortes plutôt que dix termes flous : « gelée de framboise, réglisse douce, pointe de silex » suffit souvent à faire voyager l’audience.


📚 Cartographie des arômes

a) Arômes primaires (l’ADN du cépage)

  • Fruits : rouges, noirs, blancs, exotiques – frais, compotés, confits.
  • Fleurs : rose, pivoine, acacia, tilleul…
  • Végétaux : feuille de cassis, herbes de garrigue, fenouil.
  • Minéral : silex, craie, iode – signe d’un enracinement profond.

b) Arômes secondaires (vinification & élevage)

  • Balsamiques : résine, eucalyptus, camphre.
  • Empyreumatiques : toasté, café, cacao, brioche.
  • Épices : dures (poivre, clou de girofle) / douces (vanille, cannelle).
  • Chimiques / défauts : soufre, cuivre, bouchon – à signaler honnêtement !

c) Arômes tertiaires (vieillissement)

  • Animaux : cuir, fourrure, viande séchée.
  • Végétaux évolutifs : humus, truffe, champignon, feuilles mortes.

Astuce storytelling : regroupez vos notes en une phrase-scène :
« Au premier nez, un bouquet de pivoine et de framboise; après oxygénation, surgissent toast fin et pointe de cuir : le vin entre dans sa maturité élégante. »


🎙️ Transformer l’analyse en récit de marque

  • Choisir 3 – 4 mots-images pour chaque vin – réutilisés sur les fiches, stories, newsletters.
  • Hiérarchiser : commencez par l’arôme le plus identifiable (impact), terminez par la nuance ( mémoire).
  • Humaniser : liez un arôme à un souvenir concret – « l’iode d’une promenade à Saintes-Maries-de-la-Mer ».

Décrire, c’est vendre sans vendre : vous plantez une image olfactive dans l’esprit du lecteur. À la première gorgée, il aura l’impression de reconnaître un vieil ami.

👄 Savoir goûter le vin : la phase gustative comme révélateur narratif

En bouche, le vin n’est pas qu’une source de plaisir ; il livre aussi des données clés sur sa structure, sa longévité et ses accords possibles. Les traduire en mots précis permet d’orienter le consommateur — et d’ancrer votre discours de marque.

Voir également:  Des goûts et des couleurs ?

1. L’attaque : le premier flash

Franche, discrète, incisive… L’adjectif choisi colore déjà l’imaginaire. Prenez le temps de nommer cette première impression tactile ; elle conditionne l’attente du lecteur.

2. Sucre / Souplesse

Vin doux : sucrosité assumée (miellée, marmelade).
Vin sec : la souplesse perçue provient parfois d’un résiduel minime — évoquez-la (« rondeur caressante ») pour préparer le palais.

3. Fruité & flaveurs (rétro-olfaction)

La rétro-olfaction reconnecte aux arômes du nez et en ajoute souvent de nouveaux : noisette grillée, noyau, menthe poivrée. Les mentionner enrichit le storytelling (« finale mentholée, comme un souffle de garrigue »).

4. Acidité : l’épine dorsale

Jeune : incisive, désaltérante  |  Évoluée : fondue, structurante  |  Âgée : évanescente.
Associez-la à la notion de « fraîcheur » ou de « tension » pour projeter l’accord mets-vins.

5. Alcool : chaleur et charpente

Une sensation qualifiée de chaleureuse ou généreuse annonce un vin solaire ; un alcool fondu évoque l’élégance. La nuance influence le message (dîner d’hiver vs apéritif estival).

6. Tanins : grain et garde

  • Végétaux (pépins, rafles) → rustiques, parfois rêches.
  • Nobles (bois d’élevage) → soyeux, enveloppants.

Indiquez le grain (« tanins astringents,  jeunes, verts, agressifs, assèchants ou que l’on peut qualifiés au contraire de soyeux, de veloutés, souple, fins») pour que l’audience sente la texture avant même de goûter.

7. Longueur : l’horloge interne

Mesurée en caudalies (1 s = 1 caudalie) :

  • < 5 : courte — plaisir immédiat
  • 5 – 10 : honorable — évoluera 2-5 ans
  • > 10 : grande persistance — potentiel de garde

8. Équilibre & harmonie

Lorsque alcool, acidité, sucre, tanins, fruité s’équilibrent, le vin entre dans sa fenêtre de plénitude. Surplus ou carence créent un déséquilibre (jeunesse turbulente ou vieillesse défraîchie).
Harmonie = équilibre + rondeur enveloppante.


🎯 Conclusion sensorielle & conseils de communication

  • Plaisir personnel : premier critère d’achat ; verbalisez-le (« coup de cœur immédiat »).
  • Potentiel de vieillissement : croiser acidité, tanins, alcool, matière. Une information qui rassure le collectionneur.
  • Accords mets-vins : déclenchez un scénario culinaire (« parfait sur un tajine d’agneau aux abricots »).

En dégustation professionnelle, l’étape finale peut aller jusqu’à l’identification cépage-région-millésime. Mais gardez à l’esprit l’humilité : le but est moins de prouver votre science que de donner envie. Transmettre, c’est transformer des données gustatives en émotions partagées — le cœur même de la communication du vin.